De père sans estime à père sous-estimé
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Rarement des sujets me font autant fâcher que la représentation du père dans la société.
Il est incompétent.
Partout.
Dans la publicité de pharmacie, qui vous le montre trop débile pour changer la couche de son enfant qui y a savamment déposé le fruit de ses défécations.
Dans cette publicité d’assurances, qui vous le montre comme le bourreau de la jeunesse qui veut apprendre à conduire.
Dans cette publicité de voitures, où l’on sort une poupoune qui a assuré son avenir en haut de l’Équateur, coordonnées géographiques 40 DD.
Plus le temps file, et plus j’en viens à la conclusion que dans la société, le père est un cave.
Papas, rappelez-moi la dernière fois que vous avez laissé votre enfant développer un érythème fessier pour finir votre partie de NHL?
Je ne sais pas qui est à l’origine du malaise.
Oui, malaise.
Non, je n’exagère pas.
Le malaise grandissant qui, d’un côté, présente le père comme l’incompétent et l’incapable, à peine est-il en mesure de prendre soin de lui et s’avère beaucoup trop immature pour se voir confier l’enfant.
Le malaise qui place une tonne de pression sur les épaules de la mère, pour tout ce qu’elle fait déjà, mais aussi, parce qu’elle doit « s’assurer » du bien-être de l’enfant avant de quitter la maison pour un souper de filles.
«Bon, il y a du lait dans le frigidaire, des couches en masse, son dîner est dans la canne dans le congélateur. Il a bu à telle heure et devrait être changé à telle heure. Ah oui, pis n’oublie pas la crème pour ses fesses.»
Merci.
Je sais que les générations qui vous précèdent mettaient l’accent sur la mère, mais comme dirait le fils de l’autre, on est en 2016.
Vous pouvez nous faire confiance. Nous sommes compétents. Ou nous aspirons à l’être.
La confiance du père doit se bâtir à coup de petites victoires morales du type le-cœur-ne-me-lève-pas-quand-je-change-un-caca-ma-foi-dégueulasse.
Bref, nous apprenons sur le(s) tas, nous aussi.
S’il-vous-plaît, mesdames, aidez votre chum.
Comme en arrêtant de nous dresser le bilan de la situation chaque fois que vous quittez. C’est gentil, mais un peu insultant.
Et laissez-nous faire les choses à notre manière. On le sait que vous voulez être fines et que vous voulez bien faire, mais ça nous énerve et nous enlève de la confiance.
Le père d’aujourd’hui est épié de toutes parts. Par sa blonde. Par sa mère. Par sa belle-mère. Par la grand-mère de sa blonde. Par sa tante. Par la madame à l’épicerie.
J’exagère, mais si peu.
Tenez, l’autre jour, à l’épicerie, justement, cette dame qui m’arrête.
« Eh boy, mon p’tit gars, ton père est pas ben ben habitué, tu ne vois plus rien avec ta tuque enfoncée sur ta tête, par-dessus tes yeux. »
Parce qu’on sait qu’une tuque d’enfant, JAMAIS ça ne bouge.
Thank you, madame.
Mais sais-tu quoi, madame?
Tu as manqué les 92 fois précédentes où je lui ai relevé sa calvâsse de tuque de sur ses yeux.
Sans parler de l’infirmière, l’autre fois, à l’occasion des vaccins du p’tit.
Contact visuel avec la mère.
« Ton enfant si… ton enfant, ça… »
Les questions s’enchaînent sur « son » enfant.
Jusqu’au moment où je me tanne, et me mets à répondre aux questions, à la place de la mère, de connivence avec elle.
« Il réagit bien, d’habitude. »
« Oui, il a bon appétit. »
L’heure des vaccins. L’enfant est sur moi.
« Je vais vous demander de surveiller l’enfant pendant que je donne la petite piqûre. Les papas, c’est bon pour jouer. »
Pour tout le reste, c’est un imbécile. Mais pour jouer, ah là, par exemple…
Voyez ou je veux en venir?
Les pères sont sous-estimés. Largement. Mais on ne se le dira pas. Comment une société patriarcale, qui se prétend matriarcale, pourrait-elle avouer que l’homme fort, dirigeant d’entreprise à la poigne de fer, prospère, au torse bombé, peut-il aussi se faire vomir dessus par l’enfant qui régurgite?
Essayez d’être père et de reprendre votre enfant qui ne veut pas quitter l’aire de jeu du centre d’achats.
Haussez le ton, un peu.
Répétez.
Évaluez les regards qui se dirigeront vers vous.
C’est ça, le préjugé paternel.