LES GRANDES ENTREVUES V – Rencontre avec Julie Lafrance Balian
Quelle a été votre plus grande sortie de zone de confort dans la décision d’écrire des livres ?
Je dirais la publication ! Le jour où le roman passe aux mains des lecteurs est le moment où je pose le pied en dehors de ma zone de confort.
J’écris mon journal presque au quotidien depuis l’âge de huit ans, mais toutes mes pages restaient secrètes et n’étaient donc jusque-là jamais exposées aux yeux du public. Même si mon premier roman n’était pas exactement l’histoire de ma vie, il s’en inspirait et j’ai vraiment eu l’impression de me mettre à nu en le publiant. Comme il est impossible de plaire à tout le monde, je savais aussi que les critiques risquaient de heurter mon cœur sensible ! J’ai eu beaucoup de chance qu’il soit en général très bien reçu.
En ce qui concerne le roman que je suis en train de terminer, c’est l’aspect spirituel de l’histoire qui me surprend et qui m’oblige à élargir ma zone de confort. Je n’aurais jamais cru écrire quelque chose qui touchait au mysticisme et à l’histoire des sciences occultes, puisque moi-même je ne lisais pas du tout ce genre de livre. Cette idée était pourtant tellement envahissante que j’ai décidé de la suivre là où elle me menait. Je dis souvent que je n’ai pas choisi cette histoire, que c’est elle qui m’a choisie.
Qu’as-tu appris de toi que tu ne savais pas avant d’entreprendre la rédaction de ton premier roman ?
Que je dois me faire confiance et que je n’ai pas besoin d’attendre les conditions parfaites pour me lancer dans un projet créatif. Longtemps, je croyais qu’il me fallait suivre des cours de création littéraire, lire davantage de bouquins sur « comment écrire un roman » parce que je ne croyais ni être prête, ni capable. Pourtant, aussitôt que j’ai pris la décision de m’y mettre sérieusement, je me suis aperçue que j’apprenais à écrire un roman au fur et à mesure que les pages se remplissaient.
Quand on écrit, on se fait souvent dire de s’attendre à des refus quand on envoie son manuscrit terminé, surtout si on est, comme moi, « une parfaite inconnue ». On nous répète qu’il est impossible de gagner sa vie en écrivant, que les gens ne lisent plus assez, que le livre est en train de disparaître… Pourtant, tout au long de l’écriture, je n’ai jamais porté attention à ce pessimisme. Je savais au fond de moi que si je travaillais assez fort, il y aurait une place pour moi sur les tablettes des librairies, même si elle était toute petite. Je suis très heureuse de ne pas avoir démordu de cette conviction.
Et maintenant, comment ça se passe en ce qui concerne la rédaction de ton prochain livre ?
Mon prochain livre est un projet plus ambitieux puisqu’il s’agit du premier tome d’une série. L’histoire se passe dans plusieurs endroits du monde et demande beaucoup plus de recherches que mon premier roman. Encore une fois, je l’écris avec une foi inébranlable : je sais que si je travaille aussi fort que j’en suis capable, je vais y arriver. Bien sûr, il m’arrive souvent d’avoir des moments de doute, mais je me dis toujours que le doute fait partie du processus créatif, que tous les artistes passent par là. Il faut quand même continuer, un mot après l’autre.
Des conseils pour les jeunes et moins jeunes qui, comme toi, veulent se mettre à l’écriture ?
Je me souviendrai toujours d’une personne qui m’avait dit vouloir un jour « devenir un écrivain célèbre » parce qu’elle avait « une super idée ». Quand j’ai demandé à cette personne ce qu’elle lisait, elle m’a dit ne pas avoir de patience pour lire. Alors voici mon premier conseil : lisez tout ce qui vous tombe sous la main. Des gagnants de prix littéraires, des auteurs inconnus, lisez des écrivains de tous les genres, de tous les pays, de toutes les époques. Ce que vous lirez formera le compost d’où poussera votre propre écriture.
Ne le faites pas pour devenir un écrivain célèbre, mais parce que vous aimez les mots, les phrases, la magie d’une histoire, parce que l’idée de créer un univers qui vous appartient fait sourire votre âme comme rien d’autre ne peut le faire.
D’un point de vue plus pratique : protégez vos sessions d’écriture comme si elles étaient votre véritable emploi. N’attendez surtout pas l’inspiration pour commencer, puisqu’elle arrive souvent quand vous êtes déjà en train d’écrire. Créez plutôt une habitude d’écriture, même si c’est seulement de passer trente minutes par jour en face de votre texte, même si tout ce que vous réussissez à faire pendant ce temps, c’est de changer une virgule de place. Téléchargez une application informatique qui vous empêche d’accéder à l’internet pendant vos heures de création.
Si malgré tout cela, vous avez du mal à trouver la discipline nécessaire, et que d’écrire un livre est une chose importante pour vous, engagez un coach d’écriture. Un coach d’écriture est quelqu’un qui vous oblige à faire vos « devoirs » et à les remettre avant une date limite. C’est un peu comme le coach d’un athlète : il vous pousse à vous dépasser, vous garde en forme et motivé, le regard bien fixé sur votre objectif. J’appelle la mienne « ma sage-femme littéraire » et je ne sais pas si je pourrais mener « le bébé » à terme sans sa présence et ses conseils.
Quelle est la plus grande leçon de vie que tu as eu la chance de vivre à travers l’écriture ?
Quand j’avais quatre ans, donc avant même d’apprendre à écrire, je savais déjà que je voulais devenir écrivaine. Demandez à n’importe quel membre de ma famille : j’étais obsédée par les livres bien avant de pouvoir les déchiffrer. Je m’assoyais avec un papier et un crayon et je couvrais la page de gribouillages en disant que « j’écrivais un livre ».
Donc ce que j’ai appris, c’est à donner de la place à cette intuition, cette certitude que j’avais si tôt dans ma vie. Quand le pessimisme s’installe et les mises en garde sur le monde littéraire fusent de partout, j’aime me souvenir de ces moments d’innocence, de la chance que j’ai eu de savoir dès ma tendre enfance ce que je suis venue faire sur terre. J’ai un autre travail, bien sûr, mais ma mission est d’écrire. Si les gens me lisent, c’est un bonus fantastique, mais je le fais d’abord parce que ça me rend heureuse, un point c’est tout !
Que peut-on te souhaiter pour le reste de cette aventure ?
On rêve tous d’un grand succès de librairie, n’est-ce pas ? J’envie les écrivains qui vivent de leur plume, même s’ils sont rares. De pouvoir donner toute la place à l’écriture, sans avoir besoin de faire autre chose pour gagner ma vie… c’est mon plus grand rêve !
Biographie
Julie Lafrance-Balian est née à Québec, a grandi à Shawinigan et vit aux États-Unis depuis 2008. En plus d’écrire, elle a travaillé comme traductrice, entraîneur personnel, instructeur de fitness et comme coach en santé globale
Son premier roman, Le goût du paradis, a été publié en 2011 aux Éditions de la Courte Échelle. Elle termine présentement son deuxième roman, le tome 1 d’une série dont l’histoire se passera surtout aux États-Unis et en France.
Mon site web
Facebook Julie Lafrance-Balian
Instagram @julielafrancebalian
Ma coach d’écriture Sophie Michaud