C’EST LA FAUTE À JEANNE SAUVÉ
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La Saint-Valentin, magique pour certains, casse pied pour les autres se définit incontestablement comme le symbole social de l’amour. Pendant longtemps, j’ai entretenu un rapport convivial avec cette fête, plutôt commerciale, en l’associant comme plusieurs à la gratitude, à l’appréciation des miens, de mes proches et de mes collègues en ayant recours aux petites douceurs à la limite de mon imaginaire.
À l’époque, dans mon milieu de travail, je ne manquais pas de souligner l’événement, histoire de créer un environnement positif et joyeux. On a eu droit à toutes sortes d’initiatives, par exemple le jeu des anges qui répond au principe de donner au suivant, en autant qu’on se soit assuré de mettre son nom dans le chapeau et qu’un ange veuille vous adopter pendant une semaine pour vous gratifier de votre existence.
Bref, jusqu’en 2005, la gratitude, bien plus que l’amour, symbolisait la Saint-Valentin à mes yeux. C’est toujours le cas, puisqu’il n’y a rien de plus noble que la gratitude et de savoir remercier la vie ! Toutefois, le petit oumffff est venu avec la magie qui s’est emparée de ma vie à cette époque comme si elle m’avait injectée une super dose d’ocytocine d’une traite. Vous savez cette molécule, secrétée dans le cerveau qui favorise les liens sociaux et affectueux et que l’on désigne comme l’hormone de l’attachement et de la confiance ? Hé bien cette molécule m’est apparue sous les traits de mon « lapin » et pas seulement en chocolat en 2005…
Ça fait fleur bleue de dire ça comme ça et sûrement le comble de la quétaine que d’interpeller son amoureux par lapin. Et que dire du lapin qui interpelle aussi son amoureuse par lapin ? Là, c’est la grande extase du kitch…oui, oui je le sais. Pas besoin de bitcher là-dessus, on s’assume intégralement tous les deux, merci bonsoir. Voilà ce que fait l’ocytocine lorsqu’elle s’empare de deux tourtereaux. Elle les rend complètement gagas et au lieu de marcher les heureux, eux, ils flottent !
La magie de ma Saint-Valentin s’est donc révélée un soir du 14 février 2005. Un conte de fée pour lapins : une compréhension mutuelle instantanée, une communication impec, des atomes crochus, une même longueur d’ondes, l’attirance, la passion, la folie, l’impression de se fondre dans l’autre, que dire de plus, comme dirait Jean Leloup ? La fusion quoi ! La fusion ? Parlons-en de la fusion, tous les deux nous y étions contre. Provenant de modèles parentaux similaires, la rupture avec un premier conjoint chez nos parents, avait fait place à la fusion avec un nouvel amour : gnangnan, gnangnan, gnangnan … le modèle n’était certes pas pour nous… « Jamais » ! Avions-nous déclamés intérieurement, chacun de notre côté, plutôt mourir que de se faire avaler, cette pensée s’incrustant comme un mantra dans nos esprits jusque-là.
Il faut dire que nous appartenions à la génération influencée par les boomers et par leur doctrine du chacun pour soi. L’engagement nous apparaissait alors appartenir aux générations précédentes, surtout à ceux qui croyaient encore à la Saint-Valentin ! Il y avait alors au moins ça de bon avec la doctrine : elle nous préservait de l’engloutissement et de la duperie de l’ocytocine, tout en nous gardant réalistes, sous effet. C’est d’ailleurs là, le défi de l’amour, lorsque l’ocytocine s’édulcore un peu avec l’âge, demeurer unique aux yeux de l’autre, unique, personnalisé et éperdument amoureux à la fois. Je ne saurais dire quelle hormone prend le relais à cette étape, mais c’est sûrement assez complexe pour faire l’objet d’un autre papier.
La magie de ma Saint-Valentin donc, se résume aussi à la magie de l’intuition et des réalisations inexpliquées. Par ce soir du 14 février 2005, elle se manifestait alors si fort, que l’inexplicable intuition que tout était orchestré par ma défunte mère qui ne me lâchait pas d’une semelle. De son vivant, une conversation entre nous sur l’amour s’était conclue sur ses vœux de me rendre un jour heureuse, si tel pouvoir lui était octroyé de là-haut. Ma mère et moi avions plusieurs choses en commun, dont celle d’affectionner particulièrement la gouverneure générale du Canada Jeanne Sauvé dans les années 1984-1990 pour sa ressemblance avec ma grand-mère maternelle.
À la même époque, il y avait aussi cette intuition qu’une de mes amies jouerait un rôle déterminant dans ma vie affective. Allez savoir pourquoi ce sentiment m’habitait entièrement comme une vérité ? Un jour que cette bonne amie célébrait fermement son anniversaire entourée de ses proches, voilà qu’un homme, un Sauvé de son nom, se pointe vers moi. Jamais celui-là n’aurait songé à devenir un lapin, un tel sobriquet ne relevait pas de ses espoirs. Gnan-gnan ou pas, la magie s’est opérée. Comme quoi elle n’est pas qu’une affaire de fête, souvent mystérieuse, elle arrive à point nommé en prenant un visage parfois inattendu en bouleversant même les convictions les plus profondes.
Curieusement, cela m’a pris quelques années pour certifier cette intuition et comprendre que le tour de magie était de la faute à Jeanne Sauvé après tout !