Mon air social
Réflexion
Nous vivons fréquemment en symbiose avec notre cellulaire, l’extension d’une main, d’un cercle fictif, d’une pensée. Il nous permet de voir plus loin, de faire plus vite, différemment. Tout est là, dans la différence.
Feuilleter de vieilles revues dans le bureau du dentiste et parler au téléphone en vérifiant les longues distances n’est plus chose du commun. Il faut lire nos fils d’actualités et envoyer des textos, il faut être de son temps. Quelle expression bien à propos lorsqu’il s’agit de convaincre du bien-fondé d’une nouvelle modernité. Les réseaux sociaux sont devenus un incontournable de ‘’notre temps’’. Mais est-ce là vraiment notre conception de la connexion au monde ?
232 Nombre d’amis Facebook. Le réseau social par excellence ! Tout y est possible : vendre, publiciser, photographier, étaler ses états d’âme, ses coups de cœur et ses coups de gueule, ses recettes, ses poupons, son chat pis son goût du jeu parce qu’on a oublié de désactiver la notification, nous qui ne voulions pas que cela se sache. Pas d’inquiétude à avoir, vos amis feront des statuts pour vous dire qu’ils ne jouent pas, eux ! Humm oui, oui… Ce n’est plus du voyeurisme, rien n’est fait à l’insu de l’autre alors on se délecte de l’exposition volontaire en toute impunité. Après tout, ce n’est qu’une App! On ‘’post’’ puis on a des ‘’like’’, référence incontestée de notre taux de popularité. Partager des articles de fond, des nouvelles nationales ou votre simple goût à l’ouverture ne fera pas de vous la vedette du jour car pour cela, il faudrait que votre auditoire prenne le temps de lire et à moins que le peuple ne se révolte face à une cause médiatisée (et proche de son univers évidemment), il se rend coupable de fainéantise et de pathétisme cérébral, l’offre altruiste de grandes réflexions se fait rare.
Il devient alors tentant de se laisser aller à l’émotion, sans émoticon ; vouloir se défouler sur tous ces mots sans saveur déballés au gré de l’humeur et des minutes écoulées d’un agenda bien ficelé, inviter son prochain à l’introspection et au discernement. Pourtant, nous ne le faisons pas. Est-ce de la bienséance ? Probablement, on ne peut manquer de respect à nos contacts alors on lit et on se tait. Nous sommes rendus à l’ère du concours du plus grand cercle social virtuel, fade et insipide. Nous bloquons, masquons mais, surtout ne supprimons pas, ça pourrait servir ; pire ! ça pourrait choquer.
Mais n’ayons crainte Twitter est là; le bon, c’est que votre nombre de caractères est limité, alors on y retrouve l’essentiel, l’essentiel étant proportionnel à votre définition de l’importance, faut bien qu’on vous suive non??!! Vous n’êtes pas un écrivain dans l’âme, qu’à cela ne tienne, Instagram vous sauvera la mise; évidemment, cela vous prend des abonnés sinon pas de photos-surprise! Il faut beaucoup s’aimer pour partager. Skype en est mort.
Heureusement, vous avez un courriel qui vous permet de choisir avec plus d’attention ceux à qui vous offrez l’accès ; c’est bien connu, une boîte de messagerie, c’est plus intime. Tellement intime qu’on l’exige dans toutes vos transactions quotidiennes, dixit Mr.Marketing, à grand déploiement de ‘’ c’est plus pratique, plus rapide’’ et de surtout ‘’ plus impersonnel où nous t’inonderons sur les bienfaits de la consommation’’.
Je dois être perdue. Dans une société où la mouvance est de mise, où zapper est la préférence, l’instantanéité et le carpe diem vivent mal ensemble. Où est notre moment, celui de la rencontre de deux êtres humains, celui de l’échange? Je ne peux me décider à dire si c’est bien ou non, si c’est cela maintenant communiquer. J’en fait grand usage, détrompez-vous, comme vous, j’ai succombé mais je respire moins bien depuis, toujours dans l’urgence de savoir, de répondre, de satisfaire, d’être à l’écoute de l’autre ; l’autre qui n’est pas là, l’autre que je ne veux pas lire, l’autre qui m’insatisfait. La différence est dans le choix, de temps en temps il faut laisser le trou de la serrure et ouvrir la porte. C’est vrai, je l’ai vu sur Facebook!.