Merci la vie
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C’était un matin de février, l’année dernière. J’ai dû me lever 30 minutes plus tôt pour pelleter l’entrée et déneiger ma voiture. Chaque coup de grattoir sur les vitres de ma voiture me faisait sacrer un peu plus. Maudit hiver! La journée ne faisait que commencer. Travaillant au soutien à domicile, je dois me déplacer une bonne partie de la journée pour aller voir mes patients. À chaque visite, le même rituel hivernal : enlève les bottes, met les chaussures, enlève les chaussures, remet les bottes, déneige la voiture…
Pour ma dernière visite de la journée, après avoir déneigé mon auto pour la 6e fois en trois heures, je retournais voir une jeune patiente atteinte d’un cancer fulgurant et incurable. Elle n’en avait que pour quelques mois, un an tout au plus. C’est assez déstabilisant de se retrouver devant quelqu’un de si jeune en soins palliatifs. À 85 ans, on peut s’y attendre. Mais dans la vingtaine… « Comment ça va? », dis-je nerveusement. Comment peut-on bien aller dans une situation semblable… Ne trouvant pas toujours les mots, je cherchais des sujets de conversation pour désamorcer le malaise en moi. En cette journée de neige, quoi de mieux que de parler de la météo! Avouant que j’étais tanné de l’hiver, elle me répondit simplement : « Moi je trouve ça beau de voir la neige tomber. », sachant très bien qu’il s’agissait de son dernier hiver. Pour diminuer le malaise, disons que c’était raté. Vous vous imaginerez que lorsque je suis reparti et que j’ai dû déneiger la voiture pour la 7e fois, je ne me suis pas plaint. Je trouvais les flocons de neige pas mal beaux…
Dans les dernières semaines, suite aux nombreuses bordées de neige, j’ai souvent pensé à cette patiente, qui ne pouvait plus voir la neige tomber, comme elle aimait tant. Je me suis également rappelé un truc que j’avais lu dans un livre de croissance personnelle. Vous savez, le genre de livre qu’on lit attentivement, qui nous révèle des choses insoupçonnées et tellement vraies, mais qu’on oublie rapidement lorsqu’on retourne dans la folie du quotidien. Dans ce livre, on ventait beaucoup les mérites de la gratitude. On suggérait de prendre un petit objet qu’on glisse dans nos poches à chaque matin et, le soir venu, lorsqu’on le ressort, il nous rappelle de remercier la vie pour toutes les bonnes choses que nous avons. La santé, l’amour, un toit, de la nourriture… Tout ce qu’on tient pour acquis, mais qui manque à des milliards de personnes. J’avais suivi cette recommandation pendant un bout de temps, en mettant un petit caillou dans mes poches chaque matin.
J’ai découvert que d’être reconnaissant de la vie est effectivement apaisant pour l’âme. Nos petits problèmes quotidiens paraissent moins gros lorsqu’on fait l’énumération de tout ce qu’on possède, de tout ce qui nous rend heureux. Malheureusement, je n’ai pas persévéré à l’utiliser et, un jour, je l’ai égaré. Mais je crois bien que lorsque la neige aura fondu, je retrouverai un caillou à me mettre dans les poches pour ne pas oublier la chance que j’ai d’être en vie. D’être en mesure de voir les flocons de neige tomber…