Voir autrement

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Je me souviens du soulagement vécu quand je suis partie vivre à Londres, seule. Je me suis sentie seule certes, mais libre. Libre d’aller et de venir où je voulais, quand je le voulais et sans le dire à personne. J’étais libre de ne pas avoir à faire plaisir aux autres au détriment de mon propre plaisir. Libre d’aller et de venir incognito, de m’asseoir et d’observer une quantité impressionnante d’êtres humains si différents les uns des autres et tout cela, dans l’ombre rassurante de la foule.

Sans lien avec personne, sans jugement venant de mon entourage – ou bien un jugement dont je me fichais et qui resterait inconnu puisque je ne connaissais personne – la pression sociale que j’avais accumulée pendant plusieurs années est disparue presque instantanément. Comme il était bon ne serait-ce que de sortir de mon quatre et demi, partagé à cinq autres personnes, en pyjama pour acheter une pinte de lait! Quelle libération de ne pas me soucier de mon apparence, d’être dépeignée, sans maquillage et totalement satisfaite. Le bonheur quoi!

On ne s’en rend pas toujours compte, mais puisque l’on vit avec les autres, on vit beaucoup pour les autres. Évidemment, cet état de liberté vécu à l’étranger, que j’aime à croire total, a été de courte durée, car graduellement, je me suis trouvé un travail, j’ai lié des amitiés avec plusieurs personnes et une amie du Québec est venue me rejoindre. Tranquillement, les rapports de force inconscients de la pratique sociale, la pression de mes pairs, le désir de plaire, de communiquer et d’aimer se sont installés à nouveau, mais à une différence près : celle d’en être plus consciente. Après avoir vécu, quoique très provisoirement, la quasi absence de liens avec quiconque ainsi que les bienfaits obtenus qui en découlent, il m’a été possible de créer mon équilibre.

Près de 10 ans plus tard, je me laisse parfois emporter dans le tourbillon de la société et de ce qui est attendu de moi dans mes rôles de mère, de conjointe, de femme désirant être accomplie, de travailleuse, de fille, d’amie, de sœur, etc. Je dois donc prendre le temps de rééquilibrer les forces qui m’entourent, parce que même consciente, j’ai de la difficulté à y arriver. Une collègue m’a rappelé dernièrement que chaque fois qu’on ne dit pas non aux autres mais qu’on le désire, c’est à nous-même qu’on le dit. J’apprends donc encore et toujours à dire non, ce qui n’est pas si facile…

Je me souviens d’être assise, peinarde, sur la bande d’un trottoir avec une copine à la sortie d’un bar il y a plusieurs années. Une personne en état d’ébriété plus ou moins avancé et très mal fagotée s’avance vers nous et décide de nous adresser la parole. J’ai à peine le temps d’échanger quelques tours de parole que mon amie décide que je dois arrêter; ledit individu n’étant pas digne de nous parler ni même de nous regarder! Elle le clame haut et fort bien entendu et, penaud, le mec s’en va. Pourtant, le peu qu’il a communiqué me semblait digne d’être entendu.

Encore aujourd’hui, il m’arrive de penser à cette anecdote et au manque de tolérance que nous avons tous envers les autres à des niveaux plus ou moins différents et pour diverses raisons. L’être humain aime se comparer ; cela permet parfois de mieux s‘accepter et de justifier nos choix.

Pourtant, chaque fois que j’ai pris le temps de surmonter certains préjugés, une histoire m’a été racontée, des sentiments partagés et une façon de penser et nécessairement, de voir autrement a émergée et m’a permis de devenir moi-même.

 

Isabelle Marchand

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