La fin de l’hibernation

La fin de l'hibernation

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J’ai poussé la porte après une longue journée au travail, sans pouvoir l’ouvrir de plus de 2 centimètres…un objet non-identifié la bloquait. C’est le genre de truc qui arrive constamment quand tu as 3 enfants. Ils « drop » tous leurs trucs dans l’entrée, comme s’ils se déchargeaient du poids du monde en revenant de l’école. L’hiver, ils font le même manège, mais en affirmant que « tout est mouillé », ce qui, selon leur raisonnement, leur donne la légitimité de tout étaler devant le foyer. Cet hiver, je suis arrivée à la maison et il y avait une douce odeur de brûlé. Une paire de pantalons de neige laissée négligemment (trop) près du feu était en train de fondre comme une glace au soleil. Parfois, j’ai comme la vague impression que ces situations n’arrivent que chez nous, mais j’espère toujours que non. Quand j’arrive dans une maison hébergeant des petites personnes et qu’il n’y a ni odeurs suspectes, ni « traîneries », j’aime bien m’imaginer que ce n’est pas toujours comme ça, qu’eux aussi, ils ont fait un blitz de ménage 2 minutes cinquante avant l’arrivée de la visite et qu’une porte de garde-robe-camoufleur-de-bordel est prête à fendre quelque part.

J’ai donné de légers coups successifs contre le caoutchouc à petits pois et finalement, j’ai pu me glisser dans la maison de peine et de misère, en essayant de me faire plus mince que je ne le suis, regrettant presque (mais pas vraiment) les brownies engouffrés dans l’après-midi. En baissant les yeux, à mes pieds, j’ai vu la pile de manteaux, le tas de p’tits gants magiques qui m’ont tous semblé dépareillés (qui arrive à garder des paires identiques? qui?), les tuques en coton et ce qui m’est apparue comme trente-quatre paires de souliers étalés dans un joyeux bordel dans l’entrée de 2 pieds carrés…

J’ai su que le beau temps était revenu.

J’ai eu à la fois un sentiment de bonheur et un petit pincement au coeur. Terminées les longues soirées tranquilles d’hiver, la zénitude, le calme…(je niaise, ça n’existe pas chez nous). En haut, j’ai entendu rire, courir, et plein de petites voix…Au sous-sol, des hurlements, indiquant un match de mini-hockey en cours. J’ai eu un peu envie de me sauver en douce, aller prendre un café (Baileys) quelque part. Trop tard, le chien a trahi ma présence avec son trop grand enthousiasme. J’ai juste eu le temps de demander à mon mari: « Il y en a combien?» et de l’entendre répondre nonchalamment « Mmmm…je sais plus trop…huit je pense. » Huit enfants qui jouaient dans la maison, qui couraient joyeusement, qui avaient mangé des oranges probablement offertes en tournée par notre fille et avaient laissé les pelures sur le comptoir. Des enfants avec le menton dégoulinant du jus sucré des agrumes, qui passaient leurs mains collantes sur les murs, faisaient pipi dans la toilette sans tirer la chasse d’eau et devaient tous boire sans gêne dans le verre de la salle de bains réservé aux membres de la famille quand on se brosse les dents.

Ceux d’en haut sont descendus en trombe,  faisant trembler la maison comme un troupeau d’éléphants, se « pendant » tous après la rampe, qui, j’en suis chaque fois persuadée, va s’écrouler dans les minutes suivantes. J’ai beau être fatiguée, brûlée de ma journée à enseigner, découragée du bordel perpétuel dans lequel se trouve la maison, les visages réjouis me font sourire.

C’est l’annonce du retour du printemps.

Dans le quartier, les petits voisins sont sortis de leur hibernation. La ronde des maisons est recommencée, la nôtre semblant être le lieu de rencontre par excellence, peut-être parce qu’on a la famille la plus nombreuse, ou peut-être parce que contrairement à ce que nos enfants pensent de nous, on est un peu cool.

Après vingt-deux extraits de journée sans queue ni tête racontés en s’exclamant et se coupant la parole, ils sont ressortis dans la cacophonie totale, un essaim de petites abeilles déclarant qu’il faisait soleil et qu’ils allaient jouer dehors, laissant une panoplie de trucs oubliés derrière.

Le printemps.

La fin de lLe temps de sortir les vélos, de prendre une première crème glacée, dans l’auto, avec le chauffage. D’exagérer en se mettant « en manches courtes » à 10 degrés, alors qu’à cette température en octobre, on a une tuque et un foulard.

Mais surtout, cette saison magnifique qui marque le retour des amitiés de quartier. Pas qu’elles meurent l’hiver. Elles sont en dormance. Elles se passent à l’école, un peu dans les batailles de balles de neige ou les parties de hockey bottine, la construction de forts, mais il y a un net ralentissement des fréquentations. Il fait froid, il fait noir et on est bien à la maison. L’été, il y a les vacances, les chalets des uns et des autres, les camps scouts…L’automne, on étire un peu la belle saison, on joue dehors, mais la pénombre arrive vite, le début de l’école nous occupe.

Non, il n’y a rien comme le printemps pour ce genre d’amitié qui marque notre vie, qui rend festif l’après-devoirs et l’avant-souper, qui fait que ces quelques heures au retour de l’école deviennent comme un petit jour de vacances.

Je chiale un peu pour la forme (et parce qu’une mère, ça a le droit de chialer). Les enfants parlent trop fort, on s’est fait dévaliser le panier de fruits, il n’y a plus de collations pour demain, le plancher est couvert de sable.

Mais je ne mentirai pas. Pour moi, il n’y a rien comme les cris et les rires enfantins de notre rue pour nous rappeler que c’est le temps de revivre.

Marilou Hamel-Fréchette

8 Comments
  • Merci Marilou,
    je suis mamie de 5 petits garçons et quand ces moments de pur bonheur me manquent trop je vais les visiter.
    Bravo pour ce témoignage j’ai vraiment apprécié.

    • Merci beaucoup Lucie (maman de Valérie, je crois?). C’est cliché à dire, mais les enfants sont vraiment une richesse et les grands-parents aussi! Vos petits-fils sont chanceux de vous avoir. Pour ma part, je ne sais pas comment je ferais sans tous ces grands-parents qui nous entourent et aident mes enfants à bien grandir. 🙂

  • Tu es incroyable mon amie!!! Tu me fais du bien et je vais t’en faire en te disant que ma maison (en rénos depuis un an) est me semble-t-il toujours sale, en désordre, et bruyante! Mais elle est belle parce qu’elle vit. Merci de me ramener à l’essentiel avec tes mots. je t’aime xxx

  • Marilou, quel bonheur de te lire! Tu parles de la vie avec passion. J’aime bien le passage »quand on est maman on a le droit suprême de »chialer» ahahah. Tu as des enfants à ton image, ils sont beaux, brillants, passionnés, amoureux de la vie… Continue ton cheminement de maman, amoureuse, enseignante, écrivaine, artiste… tu es une femme inspirante. Merci pour tes textes!

  • Superbe texte encore une fois Loulou. Ton honnêteté est rafraîchissante, et j’ai l’impression qu’en lisant tes textes, je saurai davantage à quoi m’attendre quand j’aurai une petite famille à mon tour un jour.. Une maison bordélique mais ô combien d’anecdotes et surtout d’amour 🙂

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